Du rêve à la réalité
Nous en rêvions, nous l’avons fait. Être connecté et pouvoir recevoir et échanger des informations partout et tout le temps.
On entend dire que nous sommes devenus esclaves de nos appareils, que nous ne pouvons plus vivre sans, qu’il n’y a plus de réels échanges, que tout est virtuel. Mais sommes-nous réellement connectés ?
Nous observons que nous nous ruons sur nos téléphones, nos tablettes, nos ordinateurs au moindre signal, et ce quoique nous fassions et où que nous soyons. De plus, une grande porosité s’est installée entre la vie professionnelle et la vie privée. Se rendre disponible à tout moment, répondre aux mails quasi en live, être informé de tout à chaque instant, Internet a ouvert un nouvel espace, une nouvelle dimension et a bouleversé nos modes de vie. Dans ses pires aspects, il peut certes entraîner rupture familiale et isolement. Mais pouvons-nous dire pour autant que nous avons perdu toute connexion entre nous, la nature et notre environnement en général ? Cette « dépendance » nous rendrait-elle indifférent ? est-ce chronophage et vide de sens ?
Comme dans toute évolution, il y a des dérives. Dans le cadre d’internet, la plus évidente est certainement cette intrusion dans notre sphère la plus intime. Les plus jeunes y sont sensibles qui partagent leurs moments les plus fous ou quelques instants de « pur narcissisme » (et ?) par le biais de selfies et autres supports médias. Tout y circule de la vraie information à la rumeur voire au harcèlement.
Qui ne s’est pas un jour (voire plusieurs) connecté à Facebook et laissé entraîner d’un post à l’autre, d’une vidéo à une autre et enfin d’un article à un autre. Le temps a dérapé, happé par ces nouvelles parfois sans grand intérêt mais qui apportent une satisfaction passagère, ou une consolation ou encore une confirmation. Parfois aussi un grain d’humour ou de folie. Souvent des inepties, des caractères et des personnalités qui s’expriment sans tabou car masqués ou retranchés derrière des patronymes.
Et si c’était aussi une sorte de voyeurisme et un moyen pour certain de mettre en exergue une vie banale en rajoutant quelques photos « arrangées » pour faire croire à une vie pleine de rebondissements ou encore un échappatoire à une vie jugée morne et monotone. Les comparaisons se font et c’est normal et humain. Nous sommes façonnés ainsi. On voit le meilleur chez l’autre, l’herbe est plus verte ailleurs et c’est bien connu. Le tout cependant en mode frustration ! et … source de mal-être. Le mensonge est de rigueur.
Que dire encore des « amis » et de la quête des « like » qui servent à notre ego et notre besoin de reconnaissance. Des « like » qui entraînent la libération de dopamine, ce neurotransmetteur qui entre en action et qui fait que l’on se sente bien, mais qui est aussi très addictif.
Voilà pour la partie négative. Mais y-a-t-il un versant positif ?
Et surtout, que peut-on faire ?
Pour la partie professionnelle, cela peut-être un tremplin. Les campagnes publicitaires sont abordables et la visibilité instantanée. Pour autant, celui qui veut se lancer doit publier et publier encore pour être reconnu par les robots. Tout est codifié et répond à des règles bien précises. Certains groupes se sont aussi créés pour partager leurs points de vue, leurs idées et véhiculer « la bonne parole » dans le cadre de la défense des enfants, de la planète et des animaux. C’est un moyen aussi d’aviser « les foules » de certains dangers et de moult dérives, de faire de la prévention et de se manifester. Dans ce cadre, la solidarité peut s’exprimer comme cela a été le cas lors des derniers événements tragiques.
L’indifférence n’est donc pas de mise. On ne peut pas dire que l’on manque d’information et que l’on ne sait pas. Cela engage donc, de fait, encore plus notre responsabilité individuelle et collective. Le discernement est aussi possible à partir du moment où l’on ne se focalise pas sur le banal et qu’on cherche à éveiller notre conscience en triant, en naviguant « sainement », à savoir en limitant son temps d’accès et en laissant du temps à la vie familiale, aux vraies rencontres et aux vrais échanges.
Par ailleurs, ces outils peuvent aussi être réinventés, et là nous avons tous un rôle à jouer. Nous en sommes au B.Aba., tout reste à faire. On peut bien entendu prétexter la main mise sur notre vie privée comme dans les romans de science-fiction les plus noirs. On peut aussi y voir le moyen d’avoir accès à toute l’information (nationale et internationale), aux jugements plus ou moins avisés des uns et des autres, se faire une opinion et participer à la vie collective et citoyenne par le biais de pétitions, d’événements et autres manifestations. Donner son opinion, se livrer, se dé-livrer, tout est devenu possible et chacun y trouve son public. Il ne me semble pas que ce monde soit si déshumanisé, au contraire internet est le reflet de notre société et de nos valeurs actuelles où tout est mêlé avec l’accès immédiat et une réaction possible du même acabit.
Notre rôle devient alors celui d’éducateurs et de gardiens. Liker ou partager nous appartient. Divulguer nos secrets les plus intimes également. Il reste toujours le choix d’adhérer ou pas. Permettre l’accès aux enfants et aux jeunes avec un « mode d’emploi » et une certaine conscience, mais on revient ici aux fondamentaux. Inculquer des valeurs de base, permettre à l’enfant de s’épanouir, de juger ce qui est bon ou pas pour lui, lui faire confiance et lui apporter la clairvoyance nécessaire pour qu’il puisse naviguer avec le discernement qu’il peut avoir à son âge comme il en va pour les lectures ou les émissions télévisées. Faire en sorte que ‘l’appareil’ ne soit pas son seul confident, qu’il arrive à créer des liens profonds afin qu’en cas de stress, il ne se rue pas sur le virtuel mais bien sur un réseau de proximité fait de membres familiaux et d’amis réels où les valeurs fondamentales telles que l’amour, la joie, la patience et le travail co-existent.
A consommer avec modération et lucidité !
Alors adultes, ados, enfants, même combat. A consommer avec modération, ne pas s’en servir uniquement pour s’anesthésier mais pour y trouver une source d’informations, ne pas négliger pour autant le divertissement. Cela s’intègre dans notre quotidien et on ne peut pas en faire l’impasse. Par contre choisir le comment, le quand et le combien reste de notre ressort.
La bonne attitude c’est adhérer ensemble à un outil qui comme la lame du couteau est à double tranchant. Y percevoir le côté malsain et dangereux pour soi ou son entourage et l’utiliser à bon escient sans se laisser ni débordé ni endormir, le tout en continuité avec ses valeurs, ses besoins et ses désirs.
